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05 Juin 2024

Les montres ont-elles un genre ?

Industrie

de Christophe Roulet

Les Maisons sont de plus en plus nombreuses à effacer les genres de leur vocabulaire horloger. C’est désormais l’ergonomie qui parle dans une démarche où l’expérience client domine. Watches and Wonders s’est fait l’écho de cette tendance. 

Combien de Maisons se refusent aujourd’hui de parler de montres dame ou de modèles homme au profit de produits aux caractéristiques non genrées, susceptibles de séduire tous les publics ? Cette tendance de fond, impossible de ne pas la remarquer dans les travées de Watches and Wonders Geneva 2004. Un salon tenu en avril, qui avait d’ailleurs agendé un débat sur la question – ‘Vers la montre non genrée’ – pour déterminer si, désormais, les montres sont effectivement conçues en dehors des schémas traditionnels. « La montre est un objet qui, à la base, n’a pas de genre, expliquait Arthur Touchot, directeur de la stratégie digitale au sein de Phillips en association avec Bacs & Russo. Elle le devient seulement lorsqu’elle est portée. Dans le monde des enchères si on regarde les catalogues de ventes, les recherches vont porter vers certaines marques ou certaines catégories de prix, jamais vers des modèles homme ou femme. » 

« En fait c’est un raccourci, poursuivait Laetitia Hirschy, cofondatrice de Watch Femme and fondatrice de Kaaviar PR. Un raccourci réducteur. Les marques évitent aujourd’hui de catégoriser leurs montres selon ces schémas. Sur certains marchés, aux Etats-Unis par exemple, tout discours homme-femme passe plutôt mal. Les marques vont plutôt parler de tailles, de modèles sertis ou non, de montres à quartz ou mécaniques afin que le client se sente confortable avec sa montre au poignet. » 

Subtile distinction

Toute distinction n’est toutefois abandonnée pour autant, rappelait le designer Ini Archibong : « N’oublions pas qu’en parlant d’horlogerie, on parle d’une industrie qui n’est pas sans nomenclature. Lorsqu’une marque demande de créer une montre, elle le fait avec une idée bien précise. Pour la Galop d’Hermès par exemple, la Maison voulait clairement une montre féminine. En tant que designer, je n’ai alors pas immédiatement pensé à une montre pour femme afin de me donner davantage de marge de manœuvre et de liberté d’expression. Cela dit, la requête d’Hermès était d’avoir une montre confortable aux poignets féminins parce que ce nouveau produit leur était clairement destiné. Maintenant, en termes de tailles de poignet, on voit des hommes s’intéresser aux montres vintage dont les diamètres sont réduits par rapport aux standards actuels et des femmes privilégier à des modèles sport imposants. Alors si l’industrie évolue peut-être un peu lentement, les amateurs eux ne semblent plus trop s’embarrasser de cette distinction homme-femme. » 

Montre Galop d'Hermès, Large modèle, 40 mm

© Hermès Galop, Large model, 40 mm

La taille serait-elle donc la nouvelle norme ? « L’histoire de la montre-poignet est relativement jeune, rappelait Arthur Touchot. Durant ses cent ans d’existence, le produit a beaucoup évolué en termes de miniaturisation, de complication, de motorisation. Peut-être fallait-il, à ses débuts, expliquer pourquoi il fallait porter une montre, voire, un peu plus tard, quelles étaient les différences entre montres homme et montres femme. Mais nous avons clairement dépassé ce stade si bien que les hommes s’intéressent effectivement aujourd’hui à des modèles anciens de « petites » tailles tandis que les femmes prennent une part de plus en plus active lors des ventes aux enchères avec un ténacité peu commune. Les genres se mélangent. » 

Taille et lifestyle

Cette « mixité », clairement évoquée comme une tendance marquée de l’évolution horlogère de ces dernières années, n’a pas manqué de surgir lors d’autres débats organisés dans le cadre de Watches and Wonders, notamment celui ayant pour thème ‘La joaillerie dans l’horlogerie’. « De nos jours, de plus en plus de femmes font preuve d’un intérêt marqué pour les montres mécaniques associées à des pierres de couleur et à la joaillerie, soulignait Pierre Salanitro, fondateur de la société éponyme. En d’autres termes, le travail sur les mouvements revêt une importance croissance à leurs yeux tandis que, à l’inverse, les hommes sont de plus en plus sensibles aux montres serties. » « Nous sommes face à une proposition horlogère faite pour tout le monde, confirmait Marie de Pimodan, rédactrice en chef de GMT Magazine, lors du débat ‘Quelles sont les tendances des nouveaux produits’. Il n’y a plus de distinction de genres. Et de citer en exemple la Panthère de Cartier version large. « Voilà une montre crée au début des années 80 destinée aux femmes qui est aujourd’hui volontiers portée par des hommes, disait-elle. Tout comme l’Aquanaut Travel Time que Patek Philippe présente cette année dans une version en or rose avec un mouvement quartz dans un diamètre de 39mm qui plaît énormément aux hommes. En d’autres termes, les marques proposent, aux amateurs de disposer, hommes ou femmes. » 

© Piaget Aura

Dans ces conditions, faut-il reconsidérer les outils marketing traditionnels ? « Les marques ont effet abandonné le discours homme-femme, confirme Laetitia Hirsch. Elles privilégient désormais une approche nettement plus « lifestyle » où l’on s’interroge sur les modes de vie de la clientèle, ses préférences, avec, comme objectif, de créer des communautés autour de valeurs communes. » « Personnellement, je crois beaucoup à cette expérience client où les marques créent des espaces à forte connotation spirituelle, renchérit Ini Archibong. Des « temples » des marques avec une mise en perspective de ce qu’elles considèrent comme les composants de la masculinité et de la féminité. Pas besoin de créer des « boîtes ». Ces univers cohabitent très bien tellement les intérêts s’entrecroisent. » Pour preuve, la visite de Laetitia Hirschy sur le stand Piaget où elle n’a pas manqué pas de repérer un splendide modèle de montre joaillière parfaite pour son poignet. Renseignement pris, il s’agissait de la réédition d’une montre cocktail de 1989 pour… homme ! 

Pour écouter les panels mentionnés dans l’article, suivez les liens suivants :

La joaillerie dans l’horlogerie
Décryptage des tendances 2024